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Sauvetage d'un fonds sonore en occitan du Béarn

J'ai pu collecter d'un ensemble de documents voués à une dégradation puis une disparition certaine. Il s'agit dans les faits du reliquat (bien que considérable en volume) d'un fonds, dont le reste avait pu être traité et valorisé.

Ce fonds consistait pour la majorité en une série de plus de 1600 cassettes audio comportant des enregistrements amateurs. Son producteur, surnommé Robert Le Diable (Robert Daban de son vrai nom), animateur bénévole de radio et défenseur de la langue et de la culture béarnaises, se rendait régulièrement dans les villes et villages du Béarn et parfois dans les régions voisines afin de réaliser des captations sonores d'événements sociaux et/ou musicaux, de spectacles et de concerts majoritairement en béarnais.

Ce fonds avait fait l'objet, avant son scindement en deux parties, de passations successives à différents propriétaires. En effet, Robert Daban, conscient de l'importance que revêtaient ses enregistrements pour la conservation de la culture de langue béarnaise, avait légué ses cartons et tiroirs de meubles remplis de cassettes à Jean-Louis "Loulou" Mandère, président du Festival de Siros (festival du chant et de la culture béarnaise, grand événement culturel depuis les années 1960), par l'intermédiaire de l'Institut occitan (actuel CIRDOC-Institut occitan de cultura).

Cette structure de conservation de la culture occitane avait ensuite pu faire déposer une sélection de ce fonds aux Archives départementales des Pyrénées-Atlantiques. En raison du montant des fonds débloqués pour ce projet, le choix fut alors celui du fractionnement, et ainsi de sélectionner et de traiter environ la moitié du fonds (870 cassettes), le surplus restant chez J.-L. Mandère.

Après le décès de Jean-Louis Mandère (survenu en 2018) puis la revente de son domicile quelques années plus tard, les nouveaux propriétaires des lieux ont pris contact avec la structure occitane afin de signaler la présence de ces documents stockés dans le garage. Malheureusement, cette structure n'ayant pas les capacités financières ni les ressources humaines disponibles pour prendre en charge ce fonds encore particulièrement conséquent, et considérant par ailleurs qu'une honnête partie du fonds avait déjà pu être valorisée, il n'a pas été possible de programmer une récupération ni un traitement de ces archives.

J'ai ainsi été mise au courant de la proche dissolution de ces documents sans perspective de conservation, dont j'avais eu la connaissance par mon précédent travail étant donné que j'étais en charge du traitement intellectuel de la première partie, et ai pu entrer en possession des documents restants avant leur disparition définitive.

Ces documents revêtent une importance particulière pour la conservation de la culture occitane de Gascogne, en effet comme dit plus haut il s'agit dans leur très grande majorité d'enregistrements sonores d'événements sociaux dans de nombreuses communes du Béarn et aux alentours, et dont une grande partie sont en langue béarnaise. Le producteur étant bénévole dans plusieurs radios locales, l'ensemble comporte des copies de ses différentes émissions radiophoniques, mais également une grande quantité d'enregistrements en public de concerts, d'interventions contées, ainsi que de cantèras (chant collectifs spontanés caractéristiques de la culture gasconne), qu'il utilisait par la suite en tant que matière première pour ses émissions.

Malgré une conservation dans un garage pendant au minimum vingt ans (conditions inconnues antérieurement), la majorité des cassettes semble dans un état correct. Certaines présentent cependant des moisissures importantes et je ne suis pas certaine de leur récupération.

J'ai prévu de réaliser, pour l'instant sur mon temps libre, l'ensemble du traitement technique et intellectuel de ces documents :

  1. Isolation des cassettes malades et reconditionnement en boîtes (+ réparations dans la mesure du possible) ;
  2. Inventaire préalable du contenu ;
  3. Classement et tri ;
  4. Numérisation successive des cassettes, écoute approfondie et description ;
  5. Mise à disposition de la documentation et des enregistrements numérisés en ligne ;

Je tiens à préciser qu'il s'agit néanmoins d'un travail conséquent pour un seul individu, au vu du nombre d'articles. En effet cet ensemble comporte environ 800 cassettes audio, ainsi qu'un carton de cassettes vidéo et un carton de dossiers papier. Cela représente, après estimation, environ 600 heures d'enregistrements à traiter.

Le traitement me prendra sans doute plusieurs années à moins de pouvoir débloquer un financement. J'espère également pouvoir déposer dans l'avenir le fonds traité aux Archives départementales afin de rassembler à nouveau les deux parties du même fonds.

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